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La Bataille du Bois des Trembles
Avec larmée régulière.
Le 7
septembre 1944 à 8 heures, un détachement blindé
du 3ème R.T.A. part de Villars lès Blamont
vers Pierrefontaine, renforcé par le 1er Bataillon
du Lomont pour occuper Blamont.
Un autre détachement de la
même unité renforcé par un peloton de
reconnaissance et deux canons anti-chars de 57 mm, part de Villars
pour Hérimoncourt avec Glay pour premier objectif.
-
Des unités F.F.I. des 2ème et 3ème
Bataillon du Lomont accompagnent ce détachement, couvrant son
flanc droit dans la marche en vallée encaissée en
occupant les croupes successives descendant de la Suisse : la
Lave, la Chefferie, Esfourneaux, les Rombois, Abbevillers ; des
douaniers et des volontaires de Villars servent de guide.
- La
9ème Compagnie des F.F.I. du Lomont pousse une
reconnaissance hardie jusquau château Pierre Peugeot à
Hérimoncourt.
- A 9h30 la situation est la suivante : Glay est tenu par une Compagnie de tirailleurs Algériens (3ème R.T.A.) renforcée dun peloton de reconnaissance motorisé et deux canons de 57 anti-chars. Blamont est tenu par un peloton blindé de reconnaissance, une Compagnie F.F.I. du 1er Bataillon du Lomont et quatre canons anti-chars de 57 mm.
Cependant les Allemands paraissent réagir. Lennemi semble se ressaisir et préparer hâtivement une ligne de défense en avant de la trouée de Belfort.
Cette
journée du 7 septembre, ouverte à nos espoirs,
sassombrit et les nouvelles décevantes se succèdent.
-
Vers la fin de la matinée, lartillerie Allemande
bombarde Villars et Pierrefontaine. Dans laprès midi les
minen (obus éclatant au dessus du sol)
arrosent Glay où nos éléments paraissent bien
stoppés . Vers 13 heures, une incursion dautos
mitrailleuses Allemandes est venue sembosser à
défilement de tourelles et a fait des dégats dans le
bouchon anti-chars au Nord du village.
Les hommes sont nerveux, il
y a eu un peu daffolement à larrivée de
cette incursion dautos mitrailleuses. La fatigue des jours
précédents est pour beaucoup dans cette nervosité.
Les hommes ont fait 50 kilomètres à pied le 4
septembre, combattu le 5 et ne peuvent dormir la nuit à cause
du froid.
La position elle-même
de Glay dans une cuvette est défavorable. A 19 heures les tirs
de mortiers Allemands sintensifient et lon entend des
bruits de chenilles. Bien que des moyens sérieux occupent le
village (10ème Compagnie du 3ème
R.T.A., une section de la Compagnie daccompagnement, un peloton
de cavalerie motorisé, une Compagnie F.F.I. du 3ème
Bataillon du Lomont) les chefs de section ont du mal à tenir
leurs hommes en place.
- Vers 20 heures, le canon anti-chars en
bouchon sur la route au Nord du village est détruit. La
section qui défendait la pièce a 5 blessés, le
camion Dodge accompagnateur des canons de 57 mm est en flammes.
-
A 21 heures, des tirs fumigènes sintensifient, les
Allemands sinfiltrent par les pentes boisées à
lEst de Glay, et vers 22h15 ils atteignent la lisière
Sud-Est du village alors que trois blindés se présentent
à lentrée Nord. La garnison ne peut dès
lors que se replier rapidement sur Dannemarie, repli rendu difficile
par létroitesse de la vallée, favorisant les tirs
destructeurs des Allemands.
- A 23h30 regroupement des éléments
ayant pu avoir accès à Dannemarie pour la défense
de ce village.
En
face de cette situation, notre dispositif de défense de
Villars, maintenu prudemment dans sa forme initiale pendant cette
journée du 7 septembre est en partie modifiée dans la
nuit.
- La 8ème Compagnie du 3ème
Bataillon des F.F.I. du Lomont se porte sur Pierrefontaine, Blamont
et les Vaugonderys pour barrer les voies dinfiltration venant
de Glay : positions délicates, pénibles à
tenir, mais importantes.
- La 7ème Compagnie du
3ème Bataillon des F.F.I. du Lomont renforce son
dispositif du Bois des Trembles et installe un nouveau point dappui
au dessus du thalweg (talus) montant de Glay par les fermes de
Rosières.
Journée du 8 septembre 1944.
Dès
la pointe du jour, un canon anti-chars de 57 mm est accordé au
point dappui F.F.I. du Bois des Trembles pour parer une attaque
éventuelle venant de Dannemarie. Vers 7 heures une nouvelle
arrive au P.C. de Villars : Dannemarie vient de tomber, les
blindés Allemands montent sur Villars. Brusquement une cohue
de tirailleurs et de F.F.I. déferle sur Villars, des véhicules
surchargés refluent dans la même précipitation,
les autos mitrailleuses, les camions quittent hâtivement le
village et sengouffrent dans le chemin de Chamesol. Le colonel
commandant le 3ème R.T.A. remontant en Jeep ces
colonnes débandées réussit à les arrêter
dans une vaste combe entre la Villa des Roses et la ferme de la Roche
Gella pour y organiser un solide barrage.
- Vers 9 heures, tout
est en place. Lennemi surpris lui-même de son succès
nose pas sengager dans les bois au Sud de Villars. Il est
même douteux quil ait poussé à Villars
autre chose que des patrouilles. Il faut tâter Villars et si
possible le réoccuper. Pour cela des éléments
frais seraient nécessaires.
- Vers 10 heures arrivent le
groupe francs du 3ème R.T.A. et deux sections de la
6ème Compagnie du 3ème R.T.A.
- Envoyés
reconnaître Villars, ils trouvent le village abandonné :
les habitants se sont réfugiés à quelques
exceptions près à la frontière Suisse. Des
véhicules restent abandonnés dans les rues. Progressant
jusquau Bois des Trembles, ils retrouvent lennemi aux
lisières avec quatre voitures blindés arrêtées
au débouché de la forêt. Le soir des tirailleurs
reprennent à leur compte la défense du Bois des
Trembles.
- Les sections du 2ème Bataillon
F.F.I. du Lomont, les mitrailleurs du 3ème R.T.A. accrochés
la veille à la ferme de Picardie, ont réussi en
longeant de très près la frontière Suisse à
rentrer avec tout leur matériel.
Ainsi s'achèvent
ces deux pénibles journées du 7 et 8 septembre 1944. Le
9 au soir, le 3ème R.T.A. est relevé par le
7ème R.T.A. Composé d'une troupe moins
éprouvée.
Les causes de léchec ?
Le groupement tactique de la 1ère Armée Française dont fait partie le 3ème R.T.A. a parcouru en trois jours du 2 au 5 septembre près de 600 kilomètres, des Alpes aux pentes Nord du Lomont. Il a libéré Mouthe, Pontarlier, Maiche, tuant une centaine d'ennemis et faisant près de 400 prisonniers.
- Le 6 et le 7 septembre, réduit en moyens, il a franchit le Doubs à Saint Hippolyte, établissant une large tête de pont. Il a gagné lennemi de vitesse en avant de la position clé du Lomont, sur laquelle marchaient les blindés Allemands et que gardaient les seuls F.F.I.
Imagine t-on la fatigue de ces hommes à qui un effort surhumain a été demandé et qui, épuisés par cet effort et par leurs victoires même, se heurtent à bout de souffle au sursaut dun ennemi décidé à réagir pour fermer unes des portes de son pays ? Alors on comprendra léchec de Glay, le repli désordonné sur Villars lès Blamont, courte défaillance physique de ces tirailleurs à bout defforts victorieux.
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Rencontre entre Américains et Suisses
Stabilisation du front.
Les unités ennemis de la 11ème Panzer division accrochés au Sud de la trouée de Belfort cristallisent leurs efforts pour établir une ligne de défense, généralement parallèle au Lomont et rivé à la Suisse par la solide charnière du Bois des Trembles. Là, elles sorganisent, senterrent dans de puissants points dappui entourés de champs de mines anti-personnels bondissantes ou non, et de mines anti-chars enterrés sur les chemins dapproche. Elles creusent, elles scient, entassent pour sabriter des couchent superposées de fûts de hêtres et montent des villages vers ses abris à peu près invulnérables poêles, literie et meubles. Elles utilisent les contre-pentes boisées, abritées des tirs dartillerie et des vues davions et y aménagent de confortables baraquement, le plus souvent avec laide des hommes valides de la population locale quelles ont requis sous la menace.
Peu à peu, les villages de la zone de combat, les uns tôt comme Dannemarie, les autres après avoir beaucoup souffert comme Glay se vident. D'autres parce que la vie sous les obus y devient intenable (Blamont) ou que lennemi ordonne lévacuation (Roche les Blamont), ou que de notre côté lon ait jugé finalement souhaitable le repli de la population civile, ce fut le cas pour Villars lès Blamont le 29 septembre 1944 (en direction de Maiche) : Cest lexode.
Alors commence la longue veillée des armes, ponctuée de part et d autre par les bombardements dartillerie qui détruisent peu à peu les fermes et les villages infortunés où se stabilise la lutte.
La veillée des armes.
Jusquà
la fin de septembre, les F.F.I. du Lomont continuent dassurer
la garde avec leurs camarades de la 3ème Division
dInfanterie Algérienne (3ème D.I.A.).
La défense devant le Bois des Trembles où lennemi
(110ème Panzer Grenadier Régiment) ne cesse
de multiplier les ouvrages est dévolue aux tirailleurs du 7ème
R.T.A. dont un Bataillon sinstalle à Villars lès
Blamont.
Le 2ème Bataillon du Lomont sest
joint au 3ème et ils se relaient sur les positions
du chemin de Danache au cimetière de Pierrefontaine, où
la ligne se noue à un point dappui des tirailleurs ;
Blamont est tenu par le 1er Bataillon du Lomont relevé
le 18 septembre par des éléments du 7ème
R.T.A.
Les
postes avancés sont en perpétuelle alerte, patrouilles,
coups de main, bombardement caractérisent cette période.
-
Le 18 septembre : une patrouille Allemande appuyée par
des tirs dartillerie et de mortiers vient tâter Villars
lès Blamont. Elle est dispersée et repoussée par
nos tirs.
- Le 20 septembre : Une patrouille ennemie sonde
lextrémité droite du dispositif du 7ème
R.T.A.. Elle est repoussée.
Bien
souvent les Allemands utilisent les clochettes des vaches pour
sinfiltrer plus facilement par les pâtures dans notre
dispositif de défense.
De Roches lès Blamont,
dEcurcey, lennemi surveille les routes du plateau. Il
suffit de saventurer de jour de Villars lès Blamont à
la Pierre Carrée par Pierrefontaine afin de monter au Lomont
pour être immédiatement gratifié dune volée
dobus. La seule voie autorisée est le chemin Villars
Chamesol. Il est tellement mauvais par temps de pluie quon
préfère le risque obus au risque enlisement.
Pour calmer lardeur
de cette artillerie ennemie, nos pièces installées au
Lomont recherchent avec une ténacité rageuse les
batteries Allemandes vers Roches lès Blamont, Thulay, plus
loin vers Courcelles ou Valentigney et un peu partout les
auto-canons, très mobiles difficiles à repérer
et à atteindre.
Les mortiers des tirailleurs, les 155 de
notre artillerie lourde dont les obus froissent lair avec un
bruit bien caractéristiques écrasent le Bois des
Trembles. Chaque soir entre cinq et six heures, lartillerie
Allemande tire sur Villars lès Blamont, mais ce qui tombe
surtout, cest la pluie.
La plus solide preuve de courage
quon donnée nos hommes est peut-être cette
admirable patience à veiller nuit et jour, sans abris
potables, sans souliers adaptés, sans vêtements chauds,
sous cette pluie froide de septembre qui ne sarrêtera
plus avant la Libération.
Fin
septembre, la majorité des unités du maquis du Lomont
est relevée de ses positions et dirigée sur la région
de Vercel pour y être équipée et regroupée
en réserve de Corps darmée.
La 7ème
Compagnie du 3ème Bataillon des F.F.I. du Lomont
reste provisoirement à Villars lès Blamont. Elle
rejoindra la région de Vercel courant octobre.
Le
commandant de la 1ère Armée Française
décide mi-septembre de monter une opération denvergure
entre les Vosges et la Suisse pour forcer la Trouée de Belfort
et entrer en Alsace.
Le front est restructuré afin de
positionner chaque grande unité (Division) autant que faire se
peut face à un terrain et à une formation ennemie
adaptés à sa spécificité.
- La 3ème
D.I.A. est relevée entre Pont de Roide et Villars lès
Blamont par la 9ème Division dInfanterie
Coloniale (9ème D.I.C.) le 30 septembre 1944.
Lattaque.
- Le 3 novembre au matin
arrive à Villars lès Blamont le 6ème
Régiment de Tirailleurs Marocains (6ème
R.T.M.) qui est rattaché provisoirement à la 9ème
D.I.C.. Ce régiment dépend en fait de la 4ème
Division Marocaine de Montagne (4ème D.M.M.) qui
est à cette date sur le front des Alpes.
Lattaque
générale entre Vosges et frontière Suisse est
fixée au 13 novembre.
Les conditions climatiques (neige,
pluie) étant exécrables, le commandement échelonne
le jour J et une heure H en fonction des conditions atmosphériques.
- Le 15 novembre à
9 heures, après une forte préparation dartillerie,
deux Compagnies du 6ème R.T.M. appuyées par
un peloton de Tank Destroyer (TD) du Régiment Colonial de
Chasseurs de Chars (R.C.C.C) se lancent à lassaut du
Bois des Trembles. Leur élan est immédiatement stoppé
par les tirs des armes automatiques et par les mines ennemies. Deux
TD sautent sur les mines.
Ce nest quà la nuit
que ces deux Compagnies, la 1ère et la 3ème
peuvent décrocher pour se replier sur Villars lès
Blamont en ayant subit de lourdes pertes.
- Le 16 novembre,
lattaque reprend avec un peu plus de succès et des
éléments du 6ème R.T.M. réussissent
à progresser jusquà Dannemarie.
- Le 17
novembre, la 9ème Zouaves, Régiment des
réserves générales prêté à
la 9ème D.I.C., après une habile manuvre
à partir de Blamont, Roches lès Blamont libère
Hérimoncourt.
Cette avance rapide permet au 6ème
R.T.M. de libérer dans la foulée de Dannemarie, Glay et
Meslières.
Villars lès Blamont trouve ainsi, de
façon définitive la fin de quatre années
doppression.
Malheureusement,
le Bois des Trembles, lieu maudit par les tirailleurs et les F.F.I.,
sera encore le théatre dun accident tragique.
- Le 19
novembre, lexplosion dune mine blesse grièvement
un sous-officier et deux soldats venus dépanner les deux TD
endommagés dans la journée du 15 novembre.
Au cours
de lopération de déminage effectuée autour
de ces mêmes chars, un sous-officier, un caporal-chef et deux
soldats du 5ème Escadron du R.C.C.C. sont tués
et trois soldats sont grièvement blessés.
Texte
(Août 2000)
Elaboré par les membres de lassociation
Mémoire et Souvenir de la Résistance du
Pays de Montbéliard et du Lomont
anciens
F.F.I. du maquis du Lomont.
Rédigé par Fernand Vurpillot ancien sergent F.F.I du maquis du Lomont.
Bibliographie
Journal de marche du
3ème R.T.A. du 7ème
R.T.A. du 6ème R.T.M. du R.C.C.C.
Pages
dhistoire du Lomont du Capitaine Harnisch
à lépoque
Commandant du 3ème bataillon F.F.I. du Lomont.
Photographies
Collection
Theubet - Roserens
Témoignages sur les
journées du 14 au 16 Novembre
Précisions
apportées sur le déroulement de lattaque du bois
des Trembles du 15 novembre 1944
Témoignage
du sergent ROUCH (de nos jours Lieutenant Colonel à Ste
RADEGONDE 12850)
Le
Général DE LATTTRE savisant quil ne peut
décidément pas percer par les hautes Vosges, lance son
offensive sur Belfort et Mulhouse. Le 1er corps dArmée
auquel nous appartenons désormais est placé le plus à
lEst.
Mon unité est chargée dattaquer
les positions Allemandes le long de la frontière Suisse.
Les
camions nous débarquent dans le petit village frontalier de
Villars les Blamont.
Des
camarades vont jusquau poste frontière discuter avec les
soldats et douaniers Suisses qui sont très amicaux. Ils
reviennent avec du chocolat et des renseignements sur lennemi,
fort intéressant, nous sommes le 14 novembre 1944 au
soir.
Nous devons attaquer demain matin à laube. Il
ne pleut plus et un froid très vif de plusieurs degrés
au-dessous de zéro sest installé.
Le Chef
Lefèvre (ce sergent a donné son nom a la 69ème
promotion des élèves sous-officiers dactive à
Montpellier le 26 juin 1982) fait le tour des groupes et donne les
ordres de détails, il est très minutieux, et vérifie
armes et munitions, nous causons tard ce soir là.
Comme
toutes les veilles dattaques ? le sommeil est difficile à
venir.
A
laube, lordre de départ est donné. La
section déclaireurs est en tête comme à
laccoutumée.
Le chef prends trois hommes de son
équipe de fidèles qui sont de tout ses coups depuis
lItalie.
Il passe entête et me dis « Tu me
suis avec ton groupe ». Il sest muni dun fusil
Garant automatique, quil sest procuré Dieu seul
sait où « cest plus puissant que la
carabine » me dit-il et les voilà partis dun
pas agile de part et dautre dun chemin bordé
de buissons. Je lui emboîte le pas avec mon groupe mal à
laise dans des Snowbouts en caoutchouc qui nous donnent
lallure déléphants, mais que nous nosons
pas enlever car il gèle à pierre fendre.
Nous avons
à peine parcouru un kilomètre, lorsque brutalement,
partant de lorée du bois, le tir dune mitrailleuse
nous balaie rageusement.
Nous nous plaquons au sol, mais les
balles claquent près, un puis deux tirailleurs sont touchés.
Nous sommes littéralement cloués sur place.
Impossible
de manuvre par les prés lisses comme la main de chaque
côté du chemin.
Lefrèvre, alors que personne
ne le lui demandait, ne pouvant supporter cette situation sélance
dun bond en criant « A Lassaut » et
tire en courant, son équipe le suit par bonds rapides, hélas !
la mitrailleuse est implacable. Il ne fera pas vingt mètres.
Il sécroule sur le chemin face à lennemi
frappé à la tête, mains crispées sur son
garant quil na pas lâché. Nous sommes
stupéfaits ! cela na pas duré trente
secondes, on ne peut ni avancer ni reculer, nous ripostons tant bien
que mal par le feu, mais ne pouvons absolument pas manuvrer,
des tirailleurs tombent derrière nous.
Et
le temps passe, au point quon en perde la notion. Je ne sais
que faire ? japprends beaucoup plus tard que la section a
réussi à se replier. Je suis seul sur le terrain, avec
trois ou quatre tirailleurs. Je ne veux pas me replier sans ramener
le Chef, mais comment faire pour le récupérer sans y
laisser soi même sa peau ? je décide dattendre
la nuit.
Enfin lobscurité se fait, les fidèles
tirailleurs de Lefèvre sont aussi déterminés que
moi. Après nous être concertés, nous avançons
en rampant et arrivés à hauteur du Chef, nous
lançons nos grenades sur le blockhaus ennemi en faisant un feu
denfer. Nous ne nous attardons pas. Deux tirailleurs arrachent
littéralement le Chef du verglas auquel il adhère et
nous nous replions en portant notre ami. La section est tout
simplement revenue à son cantonnement de départ. Tous
sont abattus et découragés. Nous avons été
cruellement éprouvés aujourdhui. De plus nous
navons pas progressé dun mètre. Tout le
bataillon a été bloqué dans des circonstances
semblables. Peu importe, lassaut sera repris demain à
laube. La nuit sera bien courte à mon goût.
Ce
matin cest moi qui suis en tête. Pas de droit à
lerreur donc si je veux rester en vie. Je progresse le long des
barbelés qui marque la frontière Suisse. Un éclaireur
marche à quelques mètres devant moi. Soudain je le vois
sarrêter et se mettre en joue prêt à tirer.
Je mapproche de lui, il me murmure « regarde
lallemand », et alors ! stupeur je vois un
soldat Suisse qui se promène tranquillement sans se cacher à
moins de cent mètres de nous.
Avec son casque identique à
ceux des boches il leur ressemble comme deux gouttes deau.. Il
a eu de la chance davoir à faire à un éclaireur
aux nerfs solides. Arrivé à sa hauteur nous causons
comme de vielles connaissances, Vous pouvez y aller me dit-il, les
allemands se sont repliés dau moins cinq kilomètres
cette nuit, jen viens, vous pouvez me croire. Je le remercie et
reprends ma progression, nous accélérons lallure
mais restons vigilants. La nuit arrive, nous navons pas repris
le contact avec lennemi et avons bien fait une trentaine de
kilomètres, nous sommes crevés.
Journal
de marche du 4ème Escadron RCCC
(Régiment Colonial Chasseurs de Chars)
Capitaine LIZAMBARD
- 15 novembre 44
Le
2ème Peloton appui lattaque du 6ème
RTM sur le bois des Trembles, le relais radio est insuffisant et je
nai pas de liaison avec le Lieutenant ROBLOT (Chef dEscadron).
Dans la matinée le char 446-009 « Bien Hoa »
saute sur une mine, le Sergent MOUNET les soldats MORIN, TODESCHINI
et SANCHEZ sont blessés et évacués.
Dans la
soirée le char 446-011 saute également sur une mine,
lAdjudant LABORY ,blessé, refuse dêtre
évacué, les chars sont pris sous le feu de
linfanterie, les équipages sortent par le trou dhomme
du plancher. Sous limpulsion de lAdjudant LABORY les
valides retournent sur le char et tirent toutes les munitions.
Le
17 novembre le 2ème Peloton réduit à
2 chars appuie la progression des Marocains le long de la frontière
SUISSE.
Le
Sacrifice dun brancardier
Par
le Médecin Colonel ASTESIANO Ancien commandant de la 2ème
CR du 25ème Bataillon Médical (Extrait de
« La 9e DIC Attaque »)
Novembre
1944, la poussée Française piétine entre PONT de
ROIDE et la frontière Suisse. A Villars les Blamont, le temps
est glacial, le ciel est gris et il y a 25 cm de neige.
A 800m au
nord du village, en haut dune petite côte, jouxtant la
frontière, se trouve un petit bois truffé dallemands
qui ne ménagent pas leurs munitions. En face deux , sur
un glacis enneigé, une section de tirailleurs Marocains a
progressé vers 14 h. Ils creusent leurs trous individuels et
répondent rafales par rafales aux tirs ennemis. Un sentier
perpendiculaire au glacis constitue au milieu du petit bois une
trouée contrôlée par un tireur délite
ennemi qui interdit tout passage. Déjà à ce
niveau, deux Français sont étendus dans la neige
immobiles et silencieux
A 20 m de là, le brancardier MASSA KONATE, Caporal de la 2ème Compagnie de ramassage, regarde et ne comprends pas. Cest un magnifique athlète de 1m80, au visage ouvert, aux muscles saillants, à lhumeur égale. Il est transi de froid. Il songe à lAfrique, à la chaleur ,au soleil ! Il revoit en pensée le départ dAfrique du nord, les matchs de rugby à BASTELICA avec le Cdt DAREY, lIle dElbe, le débarquement, laccueil triomphal de la Françe libérée, sa poitrine se gonfle dorgueil, de joie de vivre et il est impatient de servir.
Précisément
à ce moment là, un tirailleur marocain progresse par
bonds, avec sa musette de munitions, vers le lieutenant ALLAL, de
lautre côté de cette trouée maudite. Lui
non plus ne passera pas. Une rafale le clou dans la neige et il hurle
de douleur. A deux reprises MASSA KONATE veut sélancer
avec son brancard, mais ALLAL lui interdit véhémentement
de bouger. Soudain une nouvelle rafale touche le tirailleur qui
pousse un cri terrible dagonie.
Alors MASSA KONATE nhésite
plus, il sélance avec son brancard et sécroule
prés du blessé , saigné à mort par une
balle dans la fémorale. Nous demeurons stupéfaits et
impuissants devant cet acte de courage insensé.
Ensuite une
pluie de mortiers ennemis, accompagnée dune fusillade
nourrie nous oblige à nous terrer dans des bris de fortunes.
Le Médecin-Capitaine CHEYNEL, évadé des camps,
qui sera tué 15 jours plus tard, discute avec un autre évadé
qui jette ses papiers didentité de peur dêtre
repris. En effet comme souvent en pareil cas , lennemi brûle
ses munitions avant de décrocher et nous donne limpression
dune attaque imminente.
Deux heures plus tard, avec CHENEL,
dans un demi-jour crépusculaire, je brancarde un cadavre vers
le village et ce nest quà la lumière
électrique qu nous reconnaissons MASSA KONATE que nous venons
de transporter.
Après 40 ans je songe souvent au caractère dérisoire de la croix de Guerre avec Etoile de Bronze citant à lordre du régiment le sacrifice de cet Africain, cest pourquoi, il me parait parfaitement justifier dinscrire le nom de MASSA KONATE au Panthéon des héros de la 9e DIC, dont le souvenir ne doit pas périr.